Roméo et Juliette, de Charles Gounod à Bastille

C’est par un spectacle haut en couleurs que s’achève la saison de l’Opéra de Paris, avec cette production très spectaculaire de Thomas Jolly. Le décor est un monumental escalier à double entrée qui tourne sur lui-même et sur lequel se meuvent les protagonistes de l’action. Tantôt vaste scène du bal vénitien de la première partie, tantôt chambre et balcon de Juliette, ou encore dans ses soubassements barque fleurie dans laquelle s’unissent les deux amants, puis chambre mortuaire de l’héroïne… C’est objectivement très réussi et appuyé par une somptueuse mise en lumière, où toutes les couleurs sont présentes jusqu’aux lasers ou autres néons qui accompagnent les ballets. On en a plein les yeux, c’est le parti-pris de la m e s ! Les costumes participent également à l’exubérance ce la proposition, particulièrement magnifiques pour le bal masqué des Capulet ou pour la représentation des fantômes de Juliette en mariées. Une troupe de danseurs – entre krump et break-dance – intervient régulièrement au fil du spectacle, s’intégrant en parfaite osmose au milieu des chœurs (splendides ce soir) et des solistes. Si donc la partie visuelle convainc, que dire du lyrique ! Un casting trois étoiles nous est offert ce soir, avec des seconds rôles sans faille et homogènes dont on retiendra le bienveillant frère Laurent de Jean Teitgen et sa voix de basse profonde et puissamment projetée, tout comme l’est celle de Laurent Naouri, Capulet (père) intraitable allant jusqu’à frapper sa fille. Lea Desandre est comme d’habitude irrésistible dans sa (trop brève) incarnation de Stéphano, où sa voix cristalline fait des merveilles dans son grand air « blanche tourterelle ». Les deux rôles-titres sont absolument parfaits ! Benjamin Bernheim campe un Roméo splendide. Scéniquement très convaincant, amoureux éperdu tiraillé entre ses sentiments et son entourage vindicatif vis-à-vis de la famille rivale, sa scène du duel (joliment chorégraphiée) face à Tybalt est un grand moment du spectacle. Le timbre est net, la ligne de chant droite et élégante. Ses moyens lui permettent de pousser ses aigus très profondément, quand la partie basse de sa tessiture laisse exprimer des mediums très chauds et colorés. Sa partenaire Elsa Dreisig n’est pas en reste, incarnant une Juliette douce et fragile. Son premier grand air «je veux vivre » sera ovationné. La palette de la soprano est large, les aigus sont longuement tenus, et claironnent sans faiblesse dans la vaste enceinte de Bastille. Le timbre est clair, les pianis très doux et l’activité qu’elle déploie sur scène témoigne de ses qualités de comédienne. Les deux artistes feront certainement date dans leurs rôles, tant ils sont en phase, coté voix comme coté scène. A la baguette, l’expérimenté Carlo Rizzi dirige avec subtilité son orchestre, laissant s’exprimer tous les pupitres sans ostentation, et les accordant harmonieusement avec les chœurs et les solistes. La soirée fut très longuement applaudie aux saluts par un public séduit qui en aura pris plein les yeux et les oreilles.

Romeo et Juliette

Charles Gounod

Direction d’orchestre : Carlo Rizzi

Mise en scène : Thomas Jolly

Cheffe de choeurs : Chin-Lien Wu

Costumes : Sylvette Dequest

Lumières : Antoine Travert

Décors : Bruno de Lavenère

Chorégraphie : Josepha Madoki

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Roméo : Benjamin Bernheim

Juliette : Elsa Dreisig

Frère Laurent : Jean Teitgen

Mercutio : Huw Montague Rendall

Tybalt : Maciej Kwaśnikowski

Benvolio : Thomas Ricart

Comte Capulet : Laurent Naouri

Pâris : Sergio Villegas-Galvain

Le Duc : Jérôme Boutillier

Grégorio : Yiorgo Ioannou

Stéphano : Léa Desandre

Orchestre de l´Opéra national de Paris

Chœurs de l’Opéra national de Paris

Paris, Opéra Bastille – Soirée du mardi 20 juin 2023, 19:30

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