Créé en 2020 mais n’ayant pu être joué en raison de la crise sanitaire, ce huitième opéra d’un des compositeurs contemporains les plus fameux s’offre à nous salle Favart en ce soir de première, après avoir été donné à la Monnaie de Bruxelles. C’est une divine surprise, tant la proposition nous transporte, que ce soit scéniquement ou musicalement.
Sorti d’outre-tombe, le couple Macbeth rejoue son tragique destin, dans un cadre crépusculaire et mortifère, entouré de fantômes, sorcières et autres spectres. La m e s de Thomas Jolly est brillante : sur une grande tournette, le décor s’ouvre sur la forêt – qui, en mouvement, finira par engloutir Macbeth – puis devient le palais royal, l’immense lit de mort de Lady Macbeth ou la table du banquet. Le spectacle s’affiche en trois couleurs, le noir, des ténèbres et cauchemars, le blanc, qui habille les principaux protagonistes, et le rouge, du sang omniprésent et des lasers habilement projetés sur la scène et les décors. La mise en lumière est somptueuse, l’ambiance film fantastique très cinématographique.
Le casting lyrique est remarquable également. Les trois sorcières rousses apportent un peu de fantaisie, harcelant sans cesse un Macbeth perdu et hagard. Il est campé par un Jarrett Ott en grande forme. Sa projection est puissante, sa prosodie très juste. Que ce soit dans le chanté pur, où ses aigus rayonnent et sa tessiture très large lui permet d’aborder sans difficulté une partition complexe, comme dans le chanté-parlé, sa prestation sera brillante. En Lady Macbeth, Katarina Bradic lui donne superbement la réplique. Son personnage est plus fragile, sa quête d’amour plus prégnante. Le timbre de la soprano serbe est cristallin, sa présence scénique affirmée. On remarque également la belle basse d’Hiroshi Matsui, fantôme au poignard planté dans le dos, ainsi que le joli suraigu de Rachel Masclet dans le rôle de l’enfant. La partition enfin est magnifique. Le duo d’amour entre les Macbeth est soutenu par un merveilleux archiluth, les percussions font l’objet de trouvailles relevant de bruitages étranges à base d’instruments improbables. Les chœurs de sorcières s’entremêlent harmonieusement avec la musique atonale de Dusapin, où silences et brutaux éclats des cuivres se succèdent sous la conduite délicate et précise de Franck Ollu.
Un très beau spectacle donc, qui après un moment de sidération sera acclamé par une salle comble – qui verra monter sur scène l’ensemble des protagonistes, techniciens, artistes, metteur en scène et Dusapin lui-même, recevoir l’ovation qu’ils méritent.
Macbeth Underworld
De Pascal Dusapin (2020)
Commande du Théâtre royal de la Monnaie et de l’Opéra-Comique
Création à l’Opéra Comique
Direction d’orchestre : Franck Ollu
Mise en scène : Thomas Jolly
Distribution
Lady Macbeth : Katarina Bradic
Weird Sister 1 : Maria Carla Pino Cury Soprano
Weird Sister 2 : Melanie Boisvert
Weird Sister 3 : Melissa Zgouridi – Mezzo-Soprano
Ghost : Hiroshi Matsui
Macbeth : Jarrett Ott
Porter : John Graham Hall
Child : Rachel Masclet
Équipe artistique
Reprise de la mise en scène et dramaturgie : Katja Krüger
Collaboration à la mise en scène : Alexandre Dain
Décors : Bruno de Lavenère
Costumes : Sylvette Dequest
Lumières : Antoine Travert
Direction de choeur : Richard Wilberforce
Assistant musical : Josep Planells Schiaffino
Direction artistique de la maîtrise populaire de l’Opéra-Comique : Sarah Koné
Chef de chant répétiteur et Piano luth : Yoan Héreau
Professeure de chant : Dorothée Voisine
Musique de scène : Paul Serri, Violoneux – Sabine Tavenard, Piccolo – Illya Amar, Anne Briset
Figurants : Adhal Bara / Geoffrey Boissy / Alexander Espinosa Correoso / Michael Guevara / Adrien Minder / Aurélien Piffaretti / Gabriel Soler / Kim Tassel
Orchestre de l’Opéra national de Lyon
Chœur Accentus
Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique et la Pré-Maitrise de l’Opéra Comique – Page officielle
Coproducteur
Paris, Opéra Comique, Salle Favart – Soirée du lundi 6 novembre 2023 (première)