Lohengrin de Wagner à Paris

âmes perdues, folie, corps meurtris, les dégâts de nos guerres enflamment Wagner et divisent Bastille.

Pour cette nouvelle production, c’est à Kiril Serebrennikov que l’Opéra de Paris s’est adressé. Russe affichant ouvertement son opposition à Poutine et au conflit ukrainien, et persona non grata dans son pays, c’est tout naturellement qu’un parti pris antimilitariste affirmé tient lieu de toile de fond à ce spectacle qui n’a pas fini de faire parler. Point de chevalier flamboyant ni de château majestueux dans le royaume de Brabant : l’action, se déroule dans un cadre guerrier contemporain, avec au fil de son déroulé les ravages qu’il peut causer tant sur les terres que sur les hommes. Les décors, au cours des deux premiers sont constitués de 3 modules, dont les parois s’écartent pour allonger ou rétrécir les espaces dans le 1er acte au duché de Brabant, puis qui deviennent chambre et salon d’Elsa au second avant de se transformer en caserne, hôpital militaire et chambre mortuaire pour finir enfin au dernier acte en un vaste hangar nu et délabré. Sans être esthétique, c’est très réussi et les vidéos omniprésentes au fil de la scénographie appuient le caractère de désolation qui va croissant, des charniers sur les zones de combat aux blessés et mutilés de guerre que va décorer le roi ou qui se marieront furtivement au cours de leurs permissions avant de repartir au conflit. Chez Elsa, c’est la représentation de sa folie qui prédomine, accompagnée en permanence de ses infirmières et de son lit médicalisé – et doublée au premier par de jolies danseuses aux cheveux immensément longs chorégraphiant magnifiquement son égarement. Quant au chevalier au cygne, il apparait en chef de guerre en treillis et bombers, à la tête d’une armée tout acquise à sa cause. Le casting est de tout premier ordre. En Ortrud, la grande Wagnérienne Nina Stemme démontre que le poids des ans n’altère pas sa voix, profonde et puissante qui sans faiblir se projette jusqu’au fond de la vaste enceinte de Bastille, affichant toujours ses multiples couleurs. Nous découvrons à Paris la sud-africaine Johanni van Oostrum qui incarne une Elsa fragile et délicate. Le timbre est clair, la voix admirablement posée et la palette complète sur tous ses registres, des aigus soutenus aux piani filés. Le duo de la fin du 2 avec Ortrud est magnifique et fera partie des grands moments lyriques de la soirée. Chez les hommes, Wolfang Koch campe un Telramund estropié, orgueilleux et revanchard. La ligne de chant est nette, le médium profond. La portée est un peu limitée mais il sera chaudement ovationné aux saluts. Enfin dans le rôle-titre, l’immense Piotr Beczala confirme qu’il est l’un des plus grands Lohengrin du moment. Le timbre du ténor Polonais est d’une grande pureté, la projection immense, la ligne de chant ne dévie jamais. Une telle intensité avec autant de chaleur invite au respect ! Son grand air final, « In fernem Land », chanté bravache sur un promontoire sera l’autre grand moment de la soirée. Les chœurs sont également exceptionnels, parfaitement dirigés et en totale harmonie avec les solistes, tout comme avec l’orchestre magnifiquement conduit par Alexander Soddy (qui a remplacé Dudamel, démissionnaire). Des l’ouverture, on perçoit la maitrise affichée par l’ensemble, où chaque pupitre s’exprimera avec un total respect de la partition et une justesse remarquable. Une très belle soirée, incontestable sur le plan lyrique et musical et qui ouvrira certainement débats sur la proposition scénique mais qui fut longuement acclamée aux saluts.

Lohengrin, musique et livret Richard Wagner

Direction d’orchestre : Alexander Soddy

Mise en scène : Kirill Serebrennikov

Distribution

Lohengrin : Piotr Beczała

Elsa von Brabant : Johanni van Oostrum

Friedrich von Telramund : Wolfgang Koch

Ortrud : Nina Stemme

Heinrich der Vogler : Kwangchul Youn

Der Heerrufer des Königs : Shen Yang

Erster brabantischer Edler : Bernard Arrieta

Zweiter brabantischer Edler : Chae Hoon Baek

Dritter brabantischer Edler : Julien Joguet

Vierter brabantischer Edler : John Bernard

Erster Edelknabe : Isabelle Escalier

Zweiter Edelknabe : Joumana El-Amiouni

Dritter Edelknabe : Caroline Bibas

Vierter Edelknabe : Yasuko Arita

Équipe artistique

Direction de choeur : Chin-Lien Wu

Décors : Kirill Serebrennikov, Olga Pavluk

Costumes : Kirill Serebrennikov, Tatiana Dolmatovskaya

Lumières : Franck Evin

Vidéo : Alan Mandelshtam

Chorégraphie : Evgeny Kulagin

Dramaturgie : Daniil Orlov

Chœurs de l’Opéra national de Paris

Orchestre l’Opéra national de Paris

Opéra National de Paris, nouvelle production

Paris, Opéra Bastille – Soirée du mercredi 27 septembre 2023, 19:00 – 2ème représentation dans cette mise en scène

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