Trois ans après sa création mondiale, nous retrouvons salle Favart cette œuvre électrisante du compositeur italien dans la production très théâtrale de Joël Pommerat. Le décor est somptueux, immeuble meublé façon années 70 avec les meubles en formica, en coupe sur 3 niveaux montrant les appartements dans lesquels vivent (ou vivotent) les protagonistes de l’intrigue : un couple en mal d’enfant et proche de la dépression au rdc, une famille aimante au premier et au second, un homme qui meurt brutalement, laissant sa jeune fille orpheline qui sera accueillie par l’Homme et la Femme du premier niveau – par l’homme surtout qui succombera rapidement à ses charmes entrainant la tragédie qui suivra. Une inondation va submerger le rez-de-chaussée et accélérer le drame dont nous avons connaissance puisqu’une partie de l’histoire est présentée en forme de flash-back. L’intensité dramatique monte crescendo au fil des scènes, la mise en scène exprime avec brio les tourments des différentes figures et principalement ceux de La Femme, ravagée par la culpabilité de ne pouvoir être mère puis par la jalousie avant de sombrer dans la folie et le délire après avoir commis l’irréparable. Construit comme un thriller psychologique, le climat malsain et oppressant monte en puissance au fil des scènes avant de laisser le public hébété après le tableau final. Le casting est sensiblement le même que lors de sa création. Le narrateur – et policier – Guilhem Terrail déploie sa douce voix de contre-ténor au fil de ses interventions, quand les autres artistes lyriques procèdent plus généralement en chanté-parlé. Jean-Christophe Lanièce incarne L’Homme, désabusé tant par sa condition de « non-père » que par son statut social. La voix du baryton est puissante et bien projetée et sa posture très réaliste. Nous retrouvons en La Femme Chloé Briot, soprano au timbre limpide, lançant ses aigus soutenus et formidable comédienne, dont l’incarnation de son personnage tourmenté s’achève en apothéose dans l’hôpital miteux de la dernière scène, nous laissant à l’extinction des lumières en état de sidération. La magnifique partition de Francesco Filidei (présent sur scène aux saluts) sous la direction du jeune Leonhard Garms accompagne parfaitement la scénographie. Très contemporaine et riche de trouvailles sonores (des bruitages permanents joués des deux loges latérales), la musique (qui serait parfaite en musique de film) participe à l’atmosphère étouffante du spectacle et le compositeur sera chaudement acclamé aux saluts. Ce soir de première s’achève sous les applaudissements enthousiastes d’une salle pleine et conquise.
lundi 27 févr., 2023 | 20:00 – Paris, Salle FavartOpéra Comique – Page officielle
L’inondation
Francesco Filidei | Joël Pommerat
Inspiré de la nouvelle éponyme de l’auteur Zamiatine
Direction d’orchestre : Leonhard Garms Dirigent
Mise en scène : Joël Pommerat
Décors : Eric Soyer
Lumières : Eric Soyer
Costumes : Deffin Isabelle
Video : Renaud Rubiano
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La Femme : Chloé Briot
Le Policier : Guilhem Terrail
L’Homme : Jean-Christophe Lanièce
La Jeune Fille : Norma Nahoun SopranoCypriane Gardin
Le Voisin : Enguerrand de Hys
La Voisine : Victoire Bunel
Le Narrateur : Guilhem Terrail
Le Médecin : Tomislav Lavoie
Luxembourg Philharmonic Orchestra / Orchestre de Chambre du Luxembourg