Cela faisait plus de 150 ans que le chef-d’œuvre – en langue française – du compositeur italien n’avait été donné à l’Opéra de Paris et il n’est que justice que cette anomalie soit rectifiée tant la pièce regorge d’intérêts lyriques et musicaux.
A la m.e.s, Lydia Steier transpose l’action dans le cadre d’une dictature mussolinienne : sa proposition dénonce tant les régimes totalitaires induisant violence, sévices et jusqu’au-boutisme politique que le fanatisme religieux et sans pitié incarné par la Vesta. Lucinus, de retour victorieux de cinq ans de conflit contre les gaulois retrouve Julia sa promise devenue contre son gré vestale, vierge et garante du feu sacré. Le décor s’ouvre sur un vaste mur devant lequel sont torturés puis supprimés les opposants au régime qui finissent pendus par les pieds. Ledit mur s’ouvre ensuite sur la réplique de l’amphithéâtre de la Sorbonne décati, demeure des vestales qui en brûlent tous les livres couvant un feu sacré en forme d’autodafé. Visuellement le spectacle est cru, la violence prégnante et le sang coule à flot. Une mise en lumière efficace vient renforcer les effets scéniques, soutenus par quelques vidéos pas vraiment indispensables.
Le casting est de toute beauté. En Cinna – l’ami de Lucinus qu’il finira par trahir -, Julien Behr manque quelque peu de moyens pour la vaste enceinte de l’Opéra Bastille mais son timbre reste soyeux et délicat. Incarnant le souverain pontife, Jean Teitgen déploie un ramage sonore et pur. Sa voix de basse est puissamment projetée et sa présence scénique convaincante. Eve-Maud Hubeaux est une magnifique grande Vestale. Altière, implacable et cruelle, elle se meut avec majesté et nous gratifie d’un mezzo chaleureux et profond. Michael Spyres campe un superbe Lucinus. Avec son large ambitus, le ténor américain claironne des aigus radieux et puissants alternant aisément avec un medium coloré. Son duo du 3 avec Julia est splendide et il sera longuement ovationné aux saluts. Presque autant que la fabuleuse Elza van den Heever. Nous l’avions découverte en Salomé, dans la production la même metteuse en scène, et elle confirme la formidable impression qu’elle nous avait alors laissée. Ses aigus sont solaires, sa ligne de chant parfaitement droite avec des legato magnifiques. Sa tessiture étendue et sa technique vocale irréprochable lui font passer sans difficulté les nombreux obstacles de la partition. Très physique, elle s’investit sans faiblir dans son rôle de jeune vestale tiraillée entre le devoir spirituel (qu’elle n’a pas choisi) et ses sentiments amoureux. Elle récoltera une énorme ovation devant le rideau. Tout comme les chœurs qui sont les autres grands triomphateurs de la soirée, parfaitement réglés par Ching-Lien Wu et en osmose parfaite avec les solistes et l’orchestre, dirigé studieusement mais sans relief particulier par Bertrand de Billy.
Un beau spectacle finalement pour conclure cette saison à l’Opéra de Paris.
La Vestale
Tragédie lyrique en 3 actes (1807)
Musique : Gaspare Spontini (1774-1851)
Livret : Victor-Joseph Étienne de Jouy
Production : Opéra national de Paris
Direction musicale : Bertrand de Billy
Mise en scène : Lydia Steier
Distribution
Licinius : Michael Spyres – BariTenor
Cinna : Julien Behr – Tenor
Le Souverain Pontife : Jean Teitgen
Julia : Elza van den Heever
La Grande Vestale : Eve-Maud Hubeaux – Mezzo
Le chef des Aruspices, un consul : Florent Mbia
Équipe artistique
Cheffe des chœurs : Chin-Lien Wu
Décors : Etienne Pluss
Costumes : Katharina Schlipf
Lumières : Valerio Tiberi
Dramaturgie : Olaf A Schmitt
Opéra Bastille Paris – Soirée du mardi 2 juillet 2024 – 19:00