Après l’Opéra Comique en 2018 (repris l’an dernier) avec son merveilleux casting Degout-Devieilhe, c’est l’Opéra national de Paris qui s’attaque à son tour à cette œuvre monumentale du 19ème siècle, avec également un somptueux duo Tézier/Oropesa. A la mise en scène, Warlikowski opte pour le parti-pris d’un flash-back puisque l’intrigue débute dans un EPHAD où 20 ans après croupissent les protagonistes, la reine Gertrude totalement décatie et son fils Hamlet errant le regard vide. C’est d’ailleurs dans ce même décor que se déroulera toute l’action, maison de retraite à mi-chemin entre hôpital psychiatrique et univers carcéral, rappelant ô combien ce texte Shakeaspearien va sonder au plus profond les âmes tourmentées de ses personnages. On l’a vu plus provocateur mais Warlikowski fait du Warlikowski, avec des costumes souvent délirants, des hommes outrancièrement maquillés ou dansant en tutu, un spectre représenté en clown blanc (quand son fils Hamlet terminera lui-même en clown noir) et Ophélie qui ne finira pas noyée dans un lac mais dans une baignoire ! Tout cela est remarquablement dirigé et finalement emporte l’adhésion du public en dépit d’une proposition clivante. Le casting est exceptionnel avec en particulier une Ève-Maud Hubeaux reine et altière, tiraillée par sa culpabilité et qui déploie sa voix de mezzo profonde et puissante, au timbre chaud sur une palette très large. Jean Teitgen campe un Claudius souverain, basse à la portée puissante et projetée avec rectitude. Mais c’est bien le duo principal qui emporte l’adhésion. Lisette Oropesa fait une sublime Ophélie, rayonnante, fragile et déterminée. La colorature démontre une nouvelle fois l’étendue de son talent. Le timbre est cristallin et lumineux, les aigus bien soutenus et l’agilité de ses vocalises sans faille dans son grand air du dernier acte, après lequel elle récoltera une immense ovation. Quant à Ludovic Tézier dans le rôle-titre, il s’impose plus que jamais comme l’un des meilleurs barytons de notre époque. Sa voix de bronze est puissamment projetée, le medium-grave très coloré. Dans ce rôle exigeant, il surmonte toutes les difficultés sans faiblir et son Hamlet torturé, au bord de la folie nous hantera longtemps après le spectacle. Pierre Dumoussaud conduit avec doigté et rigueur l’Orchestre de l’Opéra de Paris équilibrant rapidement sa direction après une première partie où la fosse couvrait quelque peu la scène. Tous les pupitres sont mis en avant, et on retiendra de jolis soli de cor et de clarinette ainsi que celui, sur scène, d’un saxophoniste. Un très beau spectacle qui aura ravi une salle très loin d’être pleine malheureusement mais qui aura donné de la voix et des applaudissements pour saluer tous les artistes et cette belle soirée.
Hamlet
Musique : Ambroise Thomas (1811-1896)
Livret : Michel Carré et Jules Barbier
Chef d’orchestre : Pierre Dumoussaud
Mise en scène : Krzysztof Warlikowski
Lumières : Felice Ross
Concepteur vidéo : Denis Guéguin
Chorégraphe : Claude Bardouil
Dramaturge : Christian Longchamp
Scénographe : Małgorzata Szczęśniak
Costumière : Małgorzata Szczęśniak
Chef de chœur : Alessandro Di Stefano
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Claude ( Roi Claude ) : Jean Teitgen
La Reine Gertrude ( Reine Gertrude ) : Eve-Maud Hubeaux – Mezzo
Hamlet : Ludovic Tezier
Polonius : Philippe Rouillon
Ophélie ( Ophélie ) : Lisette Oropesa
Laerte ( Laërtes ) : Julien Behr
Marcellus : Julien Henrique
Horatio : Frédéric Caton
Spectre (Fantôme de feu le roi Hamlet ) : Clive Bayley
Premier fossoyeur : Alejandro Baliñas
Deuxième fossoyeur : Maciej Kwaśnikowski
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Chœurs de l’Opéra national de Paris
Paris, Opéra Bastille – Soirée du 14 mars 2023, 19:30
