Une fois de plus, l’Opéra-Comique sait faire preuve d’audace en nous proposant cette création récente de l’opéra de Philadelphie, tirée du film de Lars von Trier qui avait marqué les esprits en 1996. On retrouve ici, tant dans la m e s de Tom Morris que la composition de Mazzoli les éléments qui nous avaient laissé en état de sidération après le visionnage du film (primé à Cannes) : images chocs, violence de certaines scènes, sexualité exprimée de façon très crue… et on n’en sort pas indemne ! Le décor est astucieusement posé sur une tournette, monolithes dégradés sur lesquels d’habiles projections vidéo permettent la représentation de falaises, d’église, de chambre d’hôpital, de bateaux etc… Tout ce cadre d’une ile au nord de l’Ecosse où vit Bess, habitée par l’amour qu’elle porte à Jan, ouvrier d’une plateforme pétrolière qui devient gravement blessé. Sous son emprise, Bess ira chercher le plaisir auprès des hommes du village de cette communauté calviniste, entrainant sa déchéance, mise au banc et fin tragique alors que Jan guérit miraculeusement. Les images sont fortes, portées par l’exceptionnelle interprétation d’un casting anglo-saxon de grande qualité et soutenu par le brillant chœur masculin Aedes. Wallis Giunta est une Dodo (amie de Bess) touchante et empathique. Le timbre est limpide, la projection puissante et la prestation scénique lumineuse. En Jan, le baryton Jarett Ott incarne un homme amoureux puis (une fois blessé) violent, rustique et pervers. La voix est largement déployée sur une large tessiture, la portée puissante allant jusqu’au râles d’animaux blessés. Son sens théâtral s’avère parfaitement affirmé. Quant à Sydney Mancasola, sa Bess fera date et son interprétation nous hantera longtemps. Totalement habitée par son rôle, son incarnation d’une jeune fille découvrant l’amour d’abord et ses plaisirs charnels puis allant (au nom de cet amour et en dépit de ses convictions religieuses) se perdre dans une frénésie sexuelle sacrificielle est hallucinante. La soprano américaine paye de sa personne, n’hésitant pas à se dénuder ou entamer des danses lascives et suggestives d’un réalisme cru. La voix est cristalline, les aigus projeté avec droiture et puissance, le medium sombre et chaleureux. Sa prestation tant scénique que vocale lui vaudra une énorme ovation. La partition de Missy Mazzoli (présente aux saluts) est très riche, harmonieuse et pleine de trouvailles, dirigée par Mathieu Romano qui sait conduire son orchestre avec le rythme et l’harmonie qui accompagnent parfaitement la scénographie. Longue ovation finale pour tous les artistes, et belle soirée que l’on n’oubliera pas de sitôt.
Breaking the Waves (2017)
Musique : Missy Mazzoli
Livret : Royce Vavrek
Direction d’orchestre : Mathieu Romano
Mise en scène : Tom Morris
Décors : Soutra Gilmour
Video : Will Duke
Lumières : Richard Howell
Son : Jon Nicholls
Costumes : Soutra Gilmour
Assistante à la mise en scène et collaboration aux mouvements : Sara Brodie
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Bess McNeill : Sydney Mancasola, soprano
Jan Nyman : Jarrett Ott
Dodo McNeill : Wallis Giunta
Bess’s Mother : Susan Bullock
Dr Richardson : Elgan Llŷr Thomas – Tenor
Terry : Mathieu Dubroca
Councilman : Andrew Nolen
Sadistic Sailor : Pascal Gourgand
Choeur Aedes
Paris, Opéra Comique – Salle Favart – Soirée du mardi 30 mai 2023
Co-production Scottish Opera, Opera Ventures, Houston Grand Opera, Opéra Comique – Page officielle – Direction : Louis Langrée