Cela faisait plus d’un siècle que cette Armide n’avait pas été proposée à Paris. Cette version de Gluck fut créée à la fin du XVIIIème siècle, 91 ans après celle de Lully sur un livret de Quinault. Nous sommes au temps des croisades, où Armide – reine de Syrie – use de ses charmes magiques pour capturer les chrétiens. Seul le chevalier Renaud saura lui résister et finalement lui inspirer l’amour, à son corps défendant. Il faut admettre que le livret est plutôt mièvre, et donc se concentrer sur les voix et la partition. La m e s de Lilo Baur déçoit quelque peu, dans un joli décor composé principalement d’un arbre monumental autour duquel vont se mouvoir les protagonistes. Mais ces derniers donnent l’impression d’être peu dirigés, plutôt statiques sur scène dans des postures convenues. Les costumes sont joliment réussis, la mise en lumière apportant un peu de relief à une scénographie quelque peu paresseuse. D’un point de vue lyrique en revanche, le spectacle est de qualité. Tous les rôles secondaires sont au diapason et assurent leur prestation avec enthousiasme. On note particulièrement l’Hidraot d’ Edwin Crossley-Mercer, baryton à la projection puissante et d’une ligne de chant très droite. Florie Valiquette et Apolline Raï-Westphal, toutes deux dans des rôles multiples sont des sopranos à la fois charmantes et engagées dans leurs rôles, et nous font profiter de leurs aigus rayonnants. Ian Bostridge nous laisse sur notre faim. Le ténor britannique dispose certes d’un instrument puissant mais qu’il semble quelque peu forcer au détriment de la finesse et des nuance que les émois par lesquels il passe devraient justifier. Très raide dans son incarnation, il déclame parfois avec un semblant de grimace curieux, mais une diction bien travaillée. Dans le rôle titre, Véronique Gens semble crispée lors de ses premiers airs avant de déployer sa voix limpidement par la suite. Altière, l’expérimentée soprano se joue parfaitement des difficultés du rôle : la tessiture est large, elle excelle particulièrement dans le médium, profond et chaleureux. Son duo avec Bostridge en fin de spectacle est magnifique, tout comme son aria final sublime où vaincue ( l’amour n’aura pour une fois pas triomphé !), elle s’éteindra dans un souffle. À la baguette, Christophe Rousset propose une direction nerveuse d’abord puis plus souple et subtile par la suite de son ensemble des Talens Lyriques. Les chœurs sont remarquables et à l’unisson de cette jolie partition jouée sur instruments anciens. Finalement un spectacle de qualité inégale mais qui sera très longuement applaudie par un public manifestement conquis.ArmideChristoph Willibald GluckDrame héroïque en cinq actes. Livret de Philippe Quinault. Créé à l’Académie royale de musique (Opéra) en 1777Direction musicale : Christophe RoussetMise en scène : Lilo BaurDécors : Bruno de LavenèreCostumes : Alain Blanchot Lumières : Laurent Castaingt Assistante mise en scène : Celine Gaudier Cheffe de chant : Brigitte Clair Armide : Véronique Gens Renaud : Ian Bostridge Hidraot : Edwin Crossley-Mercer La Haine : Anaïk Morel Aronte / Ubalde : Philippe Estèphe Artémidore / Le Chevalier danois : Enguerrand de Hys Sidonie, Mélisse, Bergère : Florie ValiquettePhénice, Lucinde, Plaisir et Naïade : @Apolline Raï-WestphalDanseurs : Fabien Almakiewicz, Nicolas Diguet et Mai Ishiwata Choeur : Les éléments Orchestre : Les Talens Lyriques – Christophe Rousset Production : Opéra Comique – Page officielle Paris, Salle Favart – Soirée du lundi 7 novembre 2022