Adriana Lecouvreur, de Francesco Cilea à l’Opéra Bastille

C’est une magnifique production, dotée d’un casting lyrique cinq étoiles qui nous est offerte par l’Opéra de Paris pour débuter l’année 2024. Méconnu, ce drame de Cilea, composé en 1902 – et par ailleurs son unique opéra passé à la postérité – sur un livret de Scribe dépeint intrigues amoureuses et jalousie de deux femmes éprises du même homme, au milieu du 18ème siècle. Adriana, grande tragédienne de la Comédie Française et personnage authentique, est ainsi opposée à la princesse de Bouillon pour gagner les faveurs du séducteur Maurizio, militaire et comte de Saxe. La m e s de David McVicar nous transporte directement dans cette époque par de somptueux décors – coulisses et loges des artistes du théâtre au 1er, maison champêtre au deuxième, salle de bal et de spectacle de la princesse au 3ème et antichambre d’Adriana au dernier – et des costumes splendides. Les robes des artistes de la Comédie Française ou bien de la cour de la Princesse sont particulièrement réussies, regorgeant de corsets, plis et satins de couleurs chamarrées. Avec les décors réalistes et soignés, l’œil est constamment captivé par un superbe spectacle visuel. Au 3ème acte, un charmant ballet, théâtre dans le théâtre, est joliment chorégraphié. On pourra regretter une direction des artistes plutôt minimaliste et globalement statique, mais elle est plus que compensée par un casting de toute beauté. En Michonnet, l’imposant Ambrogio Maestri sort de son registre « comique » habituel et parvient à émouvoir en amoureux transi d’Adriana. La voix est profonde et puissante, particulièrement dans les registres graves. Yusif Eyvazov campe un Maurizio tonique. Le ténor dispose de puissants moyens, les aigus emplissent facilement la vaste enceinte de l’opéra Bastille. Son duo du dernier avec Adriana est un des grands moments du spectacle. Ekaterina Semenchuk est une Princesse de Bouillon hostile et vindicative. Sa palette est large, avec son bas medium caractéristique et une portée profonde. Mais la reine de la soirée reste bien la soprano-star Anna Netrebko dans le rôle-titre. Aigus puissamment projetés, vibrato délicat, à la limite de l’imperceptible, legato impeccable : elle s’acquitte de son rôle, difficile, avec une aisance remarquable. Ses deux grands airs du premier et du final sont sublimes, s’achevant tous les deux dans un souffle longuement tenu et déchainant l’ovation du public. Également à l’aise dans son rôle théâtral – elle déclame les vers de Phèdre aussi bien qu’une sociétaire de la Comédie française !! – elle sera l’incarnation d’un spectacle parfaitement réussi. Dans la fosse, Jader Bignamini conduit avec doigté l’orchestre de l’ONP. Même si on a pu noter quelques légers décalages avec la scène qui seront certainement vite réglés au fil des soirées, nous découvrons une belle partition mettant en avant quelques jolis passages solos – violon,harpe,cor – et participant au succès de cette soirée qui aura été longuement applaudie par un public enthousiaste.

Adriana Levouvreur

Opéra en quatre actes (1902)

D’après le drame d’Eugène Scribe et Ernest Legouvé

Musique : Francesco Cilea

Livret : Arturo Colautti

Direction d’orchestre : Jader Bignamini

Mise en scène : David McVicar

Distribution

Adriana Lecouvreur : Anna Netrebko

Maurizio : Yusif Eyvazov

La principessa di Bouillon : Ekaterina Semenchuk

Michonnet : Ambrogio Maestri

Il principe di Bouillon : Sava Vemic, bass

L’abate di Chazeuil : Leonardo Cortellazzi – Tenore

Quinault : Alejandro Baliñas Vieites

Poisson : Nicholas Jones

Madamigella Jouvenot : Ilanah Lobel-Torres, Soprano

Madamigella Dangeville : Marine Chagnon

Un maggiordomo : Sejin Hwang

Équipe artistique

Direction de choeur : Alessandro Di Stefano

Décors : Charles Edwards

Costumes : Brigitte Reiffenstuel

Lumières : Adam Silverman

Chorégraphie : Andrew George

Chœurs de l’Opéra national de Paris

Orchestre de l’Opéra national de Paris

Production : Opéra national de Paris Coproduction : Wiener Staatsoper, Gran Teatre del Liceu, Royal Opera House, San Francisco Opera

Paris, Opéra Bastille – Soirée du mardi 16 janvier 2024, 19:30 – Première

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