Cette ancienne production de Serban (vue ici même plusieurs fois depuis sa création en 1995, les dernières en 2013 et 2016) revient à Paris et s’impose comme un classique. Loin des terres écossaises du roman originel de Walter Scott, l’action est transposée dans le cadre viril d’une garnison militaire du début du siècle dernier : salle de sport et de gymnastique d’abord, dortoir ensuite pour s’achever sur un espace empli d’un vaste portique qui finira par se déstructurer – en même temps que se déstructurera l’esprit de Lucia gagné par la folie. C’est visuellement agréable et oblige les artistes à chanter en effectuant quelques acrobaties, quand les chœurs sont placés sur un promontoire autour des différentes scènes, spectateurs en costume et haut de forme de la tragédie qui se déroulent sous leurs yeux. Le casting, sans être exceptionnel est de très bonne facture : si Thomas Bettinger manque clairement de moyens vocaux dans son (petit) rôle d’Arturo, Adam Palka est une belle basse sonore et puissamment projetée en Raimondo. La belle découverte de la soirée et Mattia Olivieri, pour sa première apparition à Paris qui campe un Enrico plein de morgue, inflexible et insensible aux suppliques de sa sœur. Le baryton déploie un instrument puissant, à la ligne de chant très droite et à l’aigu rayonnant. En Edgardo, Javier Camarena était annoncé souffrant mais sa prestation fut très aboutie. Dans le final qui lui est entièrement dévolu, il fait vibrer Bastille de ses aigus limpides et passe aisément par tous les registres de sa tessiture avec un legato parfait. Enfin dans le rôle-titre, très belle prestation de Branda Rae. Si la soprano manque un tout petit peu d’amplitude sonore, elle se tire merveilleusement des difficultés de son rôle, développant sa technique dans les périlleuses vocalises de l’air de la folie, assurant des trilles subtils, et passant avec aisance des pianis doucereux aux aigus éclatants. Sa présence scénique étant parfaitement accomplie, elle s’impose comme une superbe Luccia et récoltera,exténuée derrière le rideau une très longue ovation. Le sextet de la fin du second est toujours aussi magnifique. En revanche, à la baguette le chef Aziz Shokhakimov déçoit. Les tempo sont irréguliers, sa direction lourde et ne respectant pas toujours les artistes lyriques couverts par moment par les instruments. On a certes de beaux solos (harpe pour l’entrée en scène de Luccia, flute qui accompagne l’air de la folie) mais l’harmonie générale entre scène et fosse est loin d’être parfaite. Il n’en demeure que la soirée aura été de qualité et très applaudie par une enceinte à nouveau archi-comble.
Lucia di Lammermoor
Dramma tragico en deux parties (1835)
D’après Walter Scott, La Fiancée de Lammermoor
En langue italienne
Musique : Gaetano Donizetti (1797 – 1848)
Livret : Salvatore Cammarano
Direction d’orchestre : Aziz Shokhakimov
Mise en scène : Andrei Serban
Décors : William Dudley
Costumes : William Dudley
Lumières : Guido Levi
Direction de choeur : Chin-Lien Wu
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Lucia (Lucie) : Brenda Rae
Lord Enrico Ashton (Henri Ashton) : Mattia Olivieri
Sir Edgardo di Ravenswood (Edgar de Ravenswood) : Javier Camarena
Lord Arturo Bucklaw (Arthur Bucklaw) : Thomas Bettinger
Alisa : Julie White Pasturaud
Raimondo Bidebent (Raymond Bidebent) : Adam Palka
Normanno : Eric Huchet
Orchestre de l´Opéra national de Paris
Chœurs de l’Opéra national de Paris
Paris, Opéra Bastille – Mardi 28 février 2023 – 19:30