Oh la bonne idée de faire entendre le Bruit qui Pense dans Paris intra muros à 15 jours du premier concert à Louveciennes !
Ce samedi soir les parisiens curieux et attirés par le Bruit – celui qui pense bien sûr ! – se pressent et mêlent aux fidèles du Festival impatients de voir et entendre sa 9ème édition à partir du 8 mars 2025. Tous emplissent le salon Villa-Lobos qui déborde sur son voisin d’un hôtel Bedford toujours aussi accueillant pour la musique et les musiciens. Pour ce concert de pré-festival, Ingmar Lazar le directeur artistique y accueille à son côté son complice virtuose et ami, le violoniste Benjamin Herzl.
L’œuvre de Pärt créée dans sa version piano-violon au Festival de Salzbourg 1980 prouve que minimalisme ne s’oppose pas à virtuosité, au contraire ! Véloce, incisif et aérien, l’archet de Benjamin Herzl se rit de tous les pièges tendus par le compositeur estonien dans sa revisite de l’air du Coucou de Pierre et le Loup. Aigu tendu et perché, medium plein et pénétrant, entêtant bourdon vibrant, on vole et virevolte à la fois, saisi et porté par la mélodie et les harmoniques. Minimalisme et virtuosité vont de pair comme les deux compères de ce soir pour nous captiver et nous conduire là où nait la musique.
La sonate d’un Beethoven plus souriant qu’on imagine, annonce la venue et les bienfaits du Printemps. Mission réussie samedi soir au Bedford : non seulement il fait beau sur Paris, Louveciennes et une bonne partie de la France depuis, mais le public a entendu les plus belles pages laissées par le maître de Bonn pour le violon avec une grâce, une fraîcheur et une poésie infinies, dans un dialogue égal et naturel entre les deux instruments. On exulte et ce n’est pas fini.
Le scherzo signé par Brahms pour la sonate FAE est le mouvement le plus fort et original de l’oeuvre écrite à 6 mains. C’est aussi et surtout un chef-d’oeuvre tout court servi ce soir comme il le mérite. Dès le staccato initial tranchant, sa grâce libre et savante, son rythme riche et prenant emportent le public. “Frei aber einsam” disait la devise du dédicataire de la sonate, le violoniste virtuose Joachim. Benjamin Herzl et Ingmar Lazar ont le droit de la reprendre à leur compte et de prendre une pause bien méritée après les acclamations du public.
La 1ère partie ferait à elle seule office de concert complet pour d’autres. Pas pour ces deux-là, musiciens aussi généreux que talentueux. L’élégance naturelle au charme sûr et sensible de Benjamin Herzl excelle chez Kreisler servi aussi par un Guarnerius intense et velouté de 1732.
Les Voix du Printemps imaginées par Johann Strauss fils pour la soprano Bianca Bianchi et reprises par Alfred Grünfeld pour violon et piano nous entraînent avec les deux artistes à Vienne. Le Bruit qui Pense comme disait Hugo de la musique, se prête aussi à la danse, allégorique ou bien réelle. La preuve ?
La voici : Herzl et Lazar déploient à présent la Tzigane de Ravel. Le violon svelte et agile se dresse, s’élève, danse et vole. À la façon d’une foule qui s’écarte pour mieux l’entourer, lui faire place et l’observer, le piano se fait discret, donne la mesure, puis tape du pied, frappe des mains, tisse des gammes-guirlandes, comme des hongrois le feraient pour accompagner une csardas. Une rhapsodie diabolique et insensée. Le public exulte. Deux bis le remercieront. Mais le véritable dessert sera le plat de résistance : le Festival lui-même qui se tient à Louveciennes du 8 au 16 mars 2025.
Festival du Bruit qui Pense
Samedi 15 février 2025 – 19H00
Benjamin Herzl – violon
Ingmar Lazar – piano
Programme
Arvo Pärt (1935-)
Fratres, pour violon et piano
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate n° 5 “Le Printemps”
I. Allegro
II. Adagio molto espressivo
III. Scherzo. Allegro molto
IV. Rondo. Allegro ma non troppo
Johannes Brahms (1833-1897)
Scherzo (de la sonate FAE)
Pause
Fritz Kreisler (1875-1962)
Récitativo et Scherzo-Caprice op. 6
Alfred Grünfeld (1852-1924)
Paraphrase sur les Voix du printemps de Johann Strauss II, op. 57
Maurice Ravel (1875-1937)
Tzigane
Paris, Hotel Bedford – Salon villa-Lobos
