Le poète et le musicien : Ingmar Lazar enchante le Ranelagh

“Si tu es de mon pays pourquoi parles-tu autant ? Ne sais-tu pas que le sang parle silencieusement ?” dit le poème lituanien dont j’ai oublié l’auteur mais retenu le titre : “Sur la route de Damas”. 

Aksinia Todorova Mihaylova le cite dans ses remerciements pour le prix international de littérature francophone Benjamin Fonbane qu’elle reçoit ce soir avec tous les égards dus à son talent, aussi grand que son coeur. 

Le pianiste Ingmar Lazar qui reçoit, lui, le prix du Festival Propatria la suit en haut des marches. Il y applique à la lettre celles du poète. Sa musique parle pour lui et les musiciens mis à son menu par ses soins, mieux que personne.

Le Chopin énergique et fantaisiste de la polonaise opus 44 : oui, les racines aussi peuvent donner des ailes. Oui, le poète comme le musicien peut être tout à la fois sombre et serein.

Le Mendelssohn noble et fougueux des Variations dites sérieuses – par opposition à celles qu’on produisait alors à la chaîne – nous dit que le poète comme le musicien est un conteur dont le je veut dire nous.

Le Bizet riche et subtil du Nocturne en ré majeur, écrit après les Pêcheurs de Perles. Oui, le poète comme le musicien joue avec son récit comme il joue avec nous. Plus il fait mine d’errer, plus on se retrouve.

Le Franck virtuose et surhumain – comme ses mains – du Grand Caprice opus 5 nous dit que le poète, comme le musicien, crée des tourbillons parfois aussi effrayants que tentants pour s’y noyer.

L’Enesco dru et foisonnant de la ballade-minute, Pièce sur le nom de Fauré, nous dit que le poète comme le musicien peut être, quand il le veut, pour ses confrères, et sincère, et respectueux.

Et puis le Liszt acrobate et spectaculaire de la Paraphrase sur la marche nuptiale du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn S 410 qui nous dit que le poète, comme le musicien ouvre les gouffres et les abîmes qui sont sous nos pieds et nous conduit sur leur arrête sans plus la peur d’y tomber.

Il faut être tendre, robuste et espiègle pour nous dire tout ça en un soir. Il faut être, et entendre, Ingmar.

14ème édition Festival Internazionale Propatria -Giovani Talenti Romeni 
Récital de piano
Ingmar Lazar
Direction artistique : Mara Dobresco 

Programme :

Jean-Sébastien Bach, Choral “Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit” (transcription de Kurtag) à quatre mains avec Mara Dobrescu

Frédéric Chopin, Polonaise opus 44

Félix Mendelssohn-Bartholdy, Variations Sérieuses

Georges Bizet, Nocturne en ré majeur

César Franck, Grand Caprice opus 5

Georges Enesco, Pièce sur le nom de Fauré

Franz Liszt, Paraphrase sur la marche nuptiale du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn S 410

En bis : Dinu Lipatti, “La marche d’Henri” à quatre mains avec Mara Dobrescu

Paris, Théâtre Le Ranelagh – Mardi 8 octobre 2024

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