Dix-huit mois après la version de Gluck proposée ici-même, c’est celle du surintendant de Louis XIV pour la musique qui nous est offerte, dans une production similaire à celle de 2022. En ce soir de première, le spectacle est dédié à Jodie Devos, disparue la veille, qui fut une habituée de la Salle Favart et à qui Louis Langrée rend un vibrant hommage.
Si la m e s de Lio Baur quelque peu paresseuse alors nous avait déçu pour la version de Gluck, elle est ce soir beaucoup plus dynamique et attrayante, avec un parti-pris de chorégraphier l’action bien réussi. Le décor reste le même, un gigantesque arbre qui apparait au second acte et autour duquel se meuvent les artistes.
Parmi six « véritables » danseurs, les chœurs sont également appelés à danser autour des solistes dans des mouvements lascifs et parfois envoûtants, occupant activement un espace scénique relativement réduit. Tous les protagonistes sont vêtus de noir à l’exception d’Armide en robe rouge écarlate. Une jolie mise en lumière magnifie la scénographie, amplifiant les clairs-obscurs autour de l’arbre et participant à la réussite visuelle de ce spectacle.
Lyriquement, le casting est également à la hauteur. On retrouve comme dans la version précédente Edwin Crossley Mercer en Hidraot et sa voix de baryton-basse puissante et bien projetée. Florie Valiquette et Apolline Raï-Westphal se donnent la réplique dès le prologue à la gloire du Roi Soleil puis dans des rôles multiples avec réussite : les deux sopranos emplissent la salle de leurs aigus limpides, la diction est parfaite et le charme opère à chacune de leurs apparitions. Cyrille Dubois, un habitué des lieus, incarne un magnifique Renaud. Sa prosodie est très pure, ses aigus puissants et mélodieux et ses pianis subtils. Son duo avec Armide au dernier acte sera un moment d’intense émotion – même s’il préfèrera finalement la gloire militaire à l’amour.
Enfin dans le rôle-titre, belle découverte que celle d’ Ambroisine Bre. Extrêmement investie, elle surmonte sans faille les difficultés du rôle. Même si ses aigus sont quelque peu tendus – voire forcés parfois, l’obligeant à avaler quelques mots dans les registres les plus extrêmes -, elle dispose d’une large tessiture et d’une technique affirmée, lui permettant de jolis trilles et de somptueux pianis. Elle sera copieusement acclamée aux saluts.
Tout comme l’orchestre des Talens Lyriques et leurs instruments d’époque, magnifiquement dirigé par Christophe Rousset qui maitrise bien sa partition, assurant lui-même les solos de clavecin et qui rend grâce à l’une des plus belles œuvres de Lully. La dernière du tandem Lully-Quinault.
Un très beau spectacle, longuement ovationné par une salle comble, qui clôture avec succès la saison de l’Opéra-Comique.
Armide, Tragédie lyrique en musique en 5 actes et un prologue (1686)
Musique : Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Livret : Philippe Quinault
Equipe artistique
Direction musicale : Christophe Rousset
Mise en scène : Lilo Baur
Chorégraphie : Cláudia de Serpa Soares
Décors : Bruno de Lavenère
Costumes : Alain Blanchot
Lumières : Laurent Castaingt
Assistant musical : Korneel Bernolet
Assistant mise en scène : Florimond Plantier
Assistante mise en scène observatrice : Sophie Planté
Assistante costumes : Marlène Tournadre
Assistant lumières : Gaspard Gauthier
Chef de chœur : Joël Suhubiette
Assistante cheffe de chœur* : Iris Thion Poncet
Cheffe de chant : Marie van Rhijn
Distribution
Armide : Ambroisine Bré – MezzoSoprano
Renaud : Cyrille Dubois – Officiel
Hidraot : Edwin Crossley-Mercer
La Haine : Anas Séguin Baryton
Aronte / Ubalde : Lysandre Châlon
Artémidore / Le Chevalier danois : Enguerrand de Hys
Gloire, Sidonie, Lucinde, La Bergère : Florie Valiquette
Sagesse, Phénice, Mélisse, La Nymphe : Apolline Raï-Westphal
L’Amant Fortuné* : Abel Zamora
Danseur.s.es / Collaborateurs artistiques à la chorégraphie : Fabien Almakiewicz, Nicolas Diguet, Rafael Pardillo, Mai Ishiwata, Panagiota Kallimani, Emilio Urbina
Orchestre : Les Talens Lyriques
Production : Opéra Comique – Page officielle
*Artiste de l’Académie de l’Opéra Comique
Paris, Salle Favart – Soirée du lundi 17 juin 2024 – Première
