Dernière ce soir de ce spectacle vu ici même il y a 18 mois, qui fut très controversé mais que j’avais personnellement beaucoup aimé et qui présente un casting différent de celui de 2022.
La m e s de Lydia Steir demeure aussi trash, avec une proposition focalisée sur la violence et le sexe. Salomé s’éprend du prophète Jochanaan reclus dans son cachot pendant qu’à l’étage, les convives de son beau-père Hérode s’adonnent à une orgie décadente, où de jeunes vierges simplement vêtues d’un ruban cadeau sont offertes en pâture à l’assemblée avant de finir trucidées, démembrées et jetées dans une fosse commune.
Les costumes des invités de la cour d’Hérode sont bariolés, à mi-chemin entre ceux du « Rocky Horror Picture Show » et de « Priscilla, folle du désert » et contrastent avec ceux des soldats en tenue du Raid, des cinq Juifs (qui proposent un quintette réjouissant par ailleurs) en complet et haut de forme et de Salomé, vêtue d’une simple robe blanche !
Réglée au cordeau, la m e s est dynamique et l’œil est accaparé par ce qui se trame sur les différents niveaux de la scène.
Si le casting de 2022 était de qualité, celui de ce soir est remarquable. En Jochanaan, Johan Reuter est doté d’un instrument pur, projeté avec droiture même s’il pourrait être plus crédible en prophète mystique. Gerhard Siegel campe un Herodes concupiscent, déshumanisé et avilis. Le timbre est net et la tessiture large. Ekaterina Gubanova incarne avec beaucoup de conviction son épouse Hérodias : désabusée, proche de la démence, la mezzo lance ses incantations avec une amplitude rare. Mais celle qui vaut largement le déplacement pour cette soirée reste sans conteste l’immense (tant par la taille que le talent) soprano norvégienne Lise Davidsen, que l’on voit à Paris pour sa première apparition.
Extrêmement investie dans son rôle-titre, elle passe aisément de la jeune fille dégoûtée des turpitudes de son beau-père à la revancharde n’ayant qu’une obsession, celle d’embrasser le prophète qu’il détient dans ses geôles. Prête à tout pour arriver à ses fins, elle ira jusqu’ à s’offrir à Hérode et par-delà à sa cour lors d’un viol collectif insoutenable dont elle sortira couverte de sang. Dotée d’une voix d’airain d’une amplitude exceptionnelle, ses aigus résonnent jusqu’aux plus hautes coursives de la salle. Son bas-medium est d’une grande profondeur et la coloration de sa palette remarquable. Elle recevra seule devant le rideau une immense ovation et on a hâte de la revoir à Paris.
L’orchestre conduit par Mark Wigglesworth est au diapason : chaque pupitre peut s’exprimer avec nuance, les grandes envolées succèdent aux solos intimes.
La salle, en dépit de quelques sifflets de spectateurs sans doute choqués applaudira finalement longuement ce spectacle transgressif mais palpitant !
Salome (Salomé)
Opéra en un acte (quatre tableaux)
Musique et livret : Richard Strauss
Production : Opéra national de Paris
Direction d’orchestre : Mark Wigglesworth
Mise en scène : Lydia Steier
Distribution
Salome (Salomé) : Lise Davidsen
Jochanaan : Johan Reuter
Herodes (Hérode) : Gerhard Siegel
Herodias (Hérodias) : Ekaterina Gubanova
Narraboth : Pavol Breslik
Ein Page der Herodias (Le Page d’Hérodias) : Katharina Magiera
1. Jude (Le Premier Juif) : Matthäus Schmidlechner
2. Jude (Le Deuxième Juif) : Eric Huchet
3. Jude (Le Troisième Juif) : Maciej Kwaśnikowski
4. Jude (Le Quatrième Juif) : Nicholas Jones
5. Jude (Le Cinquième Juif) : Florent Mbia
1. Nazarener (Le Premier Nazaréen) : Luke Stoker
2. Nazarener (Le Deuxième Nazaréen) : Yiorgo Ioannou
1. Soldat (Le Premier Soldat) : Dominic Barberi
2. Soldat : (Le Deuxième Soldat) : Bastian Thomas Kohl
Ein Kappadozier : (Un Cappadocien) : Alejandro Baliñas Vieites
Ein Sklave (Une Esclave) : Ilanah Lobel-Torres, Soprano
Équipe artistique
Dramaturgie : Maurice Lenhard
Lumières : Olaf Freese
Costumes : Andy Besuch
Décors : Momme Hinrichs
Video : Momme Hinrichs
Orchestre de l’Opéra National de Paris
Paris, Opéra Bastille – Soirée (dernière) du mardi 28 mai 2024